La Drize

Balade - découverte du 4 juillet 2015

La Drize, découverte du patrimoine naturel
Partenariat entre l’Association des seniors et la Mémoire de Bardonnex

La chaleur caniculaire de ce début d’été a malheureusement découragé plusieurs personnes de prendre part à cette sortie. Cependant, ce samedi matin, 7 courageux se trouvaient à la Route de Rozon, sur le petit pont qui enjambe la Clef  (ou ruisseau de Collonges). Ce cours d’eau va confluer, quelques centaines de mètres en aval, avec la Tate (ou ruisseau d’Archamps) pour donner naissance à la Drize.

Sous la conduite avisée de Pauline Verdan-Chabray, guide-interprète du patrimoine, nous suivons la Drize en direction de Troinex. La bande de verdure est d’une bonne largeur et il est agréable de marcher à l’ombre sur un sentier tout proche de l’eau. Nous avançons sans faire de bruit ce qui nous permet d’entrevoir, là où la rivière se fait plus profonde, des truites et des vairons. On observe également des caloptéryx vierges, une espèce de libellules bleues, qui volent au-dessus de l’eau. Elles avaient disparues, mais les travaux de renaturation de la Drize, entrepris dans le  cadre du contrat transfrontalier du Genevois en 2003, ont favorisé leur réapparition. Nécessitant des eaux courantes et bien oxygénées pour le développement de ses larves, le caloptérix est un bon bio-indicateur de la qualité de la Drize.
Soudain un tronc énorme barre le sentier. Depuis quelques années, on a renoncé à évacuer les arbres morts, car ils servent d’habitat à une quantité d’insectes ; ils constituent donc un maillon indispensable de la chaîne écologique.
Nous longeons le manège pour arriver à un pont de pierre, vestige du chemin public qui reliait autrefois Genève à Collonges. Il est constitué d’une grosse dalle gardée depuis 1816 par deux bornes frontières. Sur celle qui se trouve du côté suisse est gravée la lettre G et sur celle du côté français le chiffre 74.
Pauline descend dans lit de la rivière et retourne des cailloux. Sur certains se sont fixés des gammares (petits crustacés) et des limnées (escargots aquatiques), espèces bio-indicatrices d’un cours d’eau peu pollué. Cependant, sur la rive droite des engins de terrassement travaillent au raz de la berge. Autre menace, les sacs en plastiques, les boîtes en aluminium et autres déchets polluants jetés sans considération dans la rivière et sur ses bords. (Nous en ramasserons un grand sac).
Il n’est malheureusement plus autorisé de suivre le cours d’eau par « Les Bornands » et nous devons emprunter le chemin d’Evordes sur quelques centaines de mètres. Ayant retrouvé la Drize, nous nous enfonçons dans les buissons pour cueillir les feuilles de plantes comestibles que Pauline nous aide à identifier. Il faut les récolter à un mètre de haut au minimum pour éviter le risque de souillures provoquées par les déjections de renards ou de chiens, porteurs de l’échinococcose. Pauline signale au passage quelques plantes toxiques pour l’homme, dont des baies qui sont tout à fait comestibles pour certains oiseaux par exemple. Elle en profite pour prendre la défense du lierre, qui couvre le tronc de certains arbres. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas une plante parasite. Il possède ses propres racines et se contente de prendre appui sur l’arbre, même s’il est vrai qu’il peut représenter un poids trop lourd si l’arbre est vétuste. Les baies du lierre étant tardives, elles constituent une réserve de nourriture précieuse pour certains mammifères et pour les oiseaux qui hivernent chez nous.
Nous nous arrêtons sur une plage de la rivière. Pauline confectionne alors des beignets avec le produit de notre récolte : feuilles d’ortie, de noisetier, d’aubépine, de sauge. Nous nous régalons tout en buvant un verre de vin bien frais.
Il est temps de revenir sur nos pas. Nous nous retrouvons sur le Chemin d’Evordes. C’est l’occasion d’observer la mise en pratique de mesures favorables à l’environnement dans l’agriculture, comme l’obligation de laisser 7% des terres cultivables en zone naturelle (surfaces de compensation écologique) pour favoriser la biodiversité, ce qui permet entre autres à la faune et à la flore de se reproduire. On passe en effet près d’un champ en jachère survolé par des milans guettant sans doute les campagnols cachés dans les hautes herbes.
Un champ de céréales borde le chemin, mais le paysan a pris soin de laisser une bande herbeuse de 1 mètre. Cela donne aux petits animaux une meilleure visibilité pour traverser ce passage dangereux. Remarquons à ce propos les faibles populations d’animaux sauvages d’une certaine taille comme le chevreuil ou le sanglier, le cerf étant totalement absent sur notre  commune. La voie du train, l’autoroute et la route nationale Annemasse-St-Julien forment un triple barrage infranchissable.
Nous nous approchons d’un immense noyer qui sert d’habitat à la chouette chevêche. Quelques individus de cette espèce très menacée sont parvenus récemment à traverser la route d’Annecy pour venir s’établir dans cet endroit favorable. Ils apprécient sans doute la magnifique allée conduisant à la maison de maître, peinte à plusieurs reprises par Hodler, et surtout le bocage et le verger à hautes tiges régénéré avec l’appui du Projet environnemental de Compesières.
Soulignons également la plantation ou le remplacement de grands arbres en bordure des chemins, de chênes notamment, et la présence de haies indigènes qui délimitent de vastes parcelles. Les terres des grands domaines ont souvent mieux résisté au morcellement que celles d’exploitations agricoles plus modestes.
 Nous jouissons de la beauté et du charme  de cette campagne avant de regagner notre point de départ et de remercier Pauline de cette approche sensible d’un patrimoine naturel, d’une valeur inestimable, et dont nous sommes les gardiens.

Emilien Grivel